La conspiration de l'or noir
Au premier millième de seconde, c’est la conception de la SADM, le déclic de la sonnerie du téléphone, qui fait exploser la charge de C-4, déclenchant une réaction en chaîne qui se propage à la vitesse de la lumière et envoie une minuscule portion de l’uranium enrichi dans un plus gros volume d’U-238, donnant à son tour naissance à dix trillions de calories d’une énergie intense et à un éclair de lumière aveuglante, cinq mille fois plus brillant qu’un soleil de midi en plein désert. L’asphalte fond, la peinture brûle sur les murs, le métal se gondole jusqu’au…
…premier souffle officiel de la fission, une première bouffée, une milliseconde plus tard, qui capture la moindre molécule d’air dans un rayon de trente kilomètres. Les arbres et les poteaux téléphoniques sont déracinés, les vitres volent en éclats, tandis que le centre de Los Angeles, aspiré dans un immense vortex, se transforme en un gigantesque champignon violacé au cœur rouge étincelant, une boule infernale qui atteint brièvement cent millions de degrés Celsius, plus de cinq fois la température du cœur du Soleil.
La fission, le premier cri du nouveau-né, c’est l’impulsion électromagnétique générée lorsque les radiations gammas de l’explosion nucléaire frappent les molécules de l’air et délogent les électrons « libres », produisant de puissants champs électromagnétiques qui endommagent tous les systèmes électroniques avec lesquels ils entrent en contact, y compris ceux des avions de ligne qui décollent ou atterrissent à des kilomètres de là, à l’aéroport de Los Angeles.
[...]
FLASH…
***
L’enfance. Elle commence dès le deuxième millionième de seconde : une
mince pellicule de gaz haute pression se forme avant d’exploser en une
boule de feu de plus de huit cents mètres de diamètre. Elle vaporise
[...] Les secondes se transforment en minutes tandis que la fission se poursuit, nourrie par l’abondance de l’énergie thermique. Les banlieues s’enflamment. Beverly Hills et Watt, l’université, Cal State, Sherman Oaks et Hollywood… des dizaines de kilomètres carrés sont dévorés par l’enfer. Au fur et à mesure que les énormes volumes d’air surchauffé s’élèvent, l’air frais du Pacifique est aspiré, créant un phénomène de pompe, qui génère des vents de la force d’un ouragan, qui vont encore intensifier l’orage de feu. Les bâtiments s’écroulent, apportant une nouvelle matière inflammable au brasier de Los Angeles.
[...] Les instants se sont transformés en minutes, la fission approche l’adolescence. Depuis sa création, il y a douze minutes, plus d’un million de personnes ont été carbonisées. À présent, l’onde de choc s’est propagée, et un autre million d’êtres torturés gisent dans des douleurs atroces, dans les limbes de la mort. Beaucoup sont aveugles, tous souffrent horriblement, leur peau n’est plus qu’un amas de cloques et de plaies sanguinolentes. Pour ces victimes, aucun n’est soulagement possible, autour d’elles, il ne reste plus qu’un désert de débris radioactifs. Elles n’auront aucune aide, le personnel médical, mal équipé, n’osant pas s’aventurer dans la zone de radiation. Avec leurs organes brûlés et contaminés par des particules radioactives, les plus chanceuses vont sombrer dans un coma plus ou moins profond jusqu’à ce que la mort les délivre enfin de cet infâme châtiment.
À présent, une heure plus tard, le mauvais génie nucléaire atteint l’âge adulte. Les Californiens terrifiés qui se trouvent en dehors de l’onde de choc sortent de leurs maisons, pour contempler bêtement le maelstrom atmosphérique… et se faire prendre dans sa pluie violette… de particules radioactives, de poussières et de déchets qui descendent des cieux… Une pluie qui leur brûlera la peau, irritera leurs yeux et emplira leurs poumons de toxines. Pour ces pauvres hères, la mort viendra dans vingt-quatre à soixante-douze heures, pour d’autres, le cancer les rongera lentement pendant toute une vie, dramatiquement écourtée.